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Le Christ sur les écrans
Le Christ réduit à un personnage de fiction dans les romans et les bandes dessinées
di Pascal Fleury (La Liberté)
Depuis un siècle, le Christ est sorti des églises pour
se retrouver sur les écrans de cinéma, dans les romans et même les
bandes dessinées. Une étude de l'Université de Lausanne décrypte ce
phénomène, que commente le journaliste Pascal Fleury, dans un article
paru dans "La Liberté", repris aujourd'hui par l'Apic dans sa version
originale.
Dieu
s'est fait Homme. Vingt siècles plus tard, l'homme en a fait un
personnage de roman, une star de cinéma ou un héros de bande dessinée.
Cette «profanisation» du Christ, observable dans tous les arts, fait
actuellement l'objet d'une vaste étude de l'Université de Lausanne.
L'enquête porte sur les «usages fictionnels» de Jésus au XXe siècle, qui
témoignent à la fois d'une relecture historique et critique de la figure
du Christ et d'un développement de nouvelles potentialités esthétiques.
Ces multiples
«incarnations» christiques sont aujourd'hui décryptées dans l'ouvrage
«Points de vue sur Jésus au XXe siècle» (1), une publication qui précède
une rétrospective «Jésus au cinéma» à la Cinémathèque suisse, ainsi
qu'un colloque international, en 2009.
Etats d'âme pour Jésus
Dès la fin du XIXe siècle, les arts se sont appropriés la figure
de Jésus comme personnage de fiction, proposant des réinterprétations
narratives et visuelles des textes évangéliques et de la tradition
iconographique. Peu à peu, romanciers, cinéastes et plasticiens ont
attribué «des états d'âme» à Jésus, explique en préface le professeur
Jean Kaempfer, l'un des responsables du projet. Ils ont reconsidéré le
message du Christ pour en creuser les ambiguïtés, les incertitudes. Ou
pour faire éclater une soi-disant «vérité», enfouie sous les siècles et
cachée par de puissants lobbies.
Malgré la sécularisation, Jésus reste «un sujet idéologiquement
chaud», note le professeur. «Il n'y a jamais loin de son devenir-profane
à sa profanation.»
Regard
décalé
Les exemples foisonnent dans les arts. Chez Salvador Dali, par
exemple, la laïcisation du thème de la Passion passe par un renversement
du motif, dans une expérimentation esthétique visant à exciter le regard
du spectateur. Dans la comédie musicale «Jésus-Christ Superstar», le
décalage est martelé par le rythme et la dissonance. Alors que dans la
BD, comme dans la série «Le Triangle secret», c'est par l'extrapolation
ésotérique que se développe l'intrigue, en usant de l'imaginaire
populaire et des découvertes archéologiques des textes apocryphes.
Toutefois, c'est bien le cinéma qui apparaît être le terrain le
plus fertile au développement de la sécularisation de la figure de
Jésus. Se restreignant aux scènes de la Passion du Christ, la chercheuse
en esthétique du cinéma Valentine Robert met en lumière la lente et
subtile récupération de Jésus par le septième art, alors que jusqu'en
1961, la censure britannique interdisait toute représentation directe du
Christ à l'écran.
Les premières œuvres filmiques, dans les années 1910,
représentent encore la mort sur la croix par une immobilisation du
cadrage en de longs plans statiques qui «font tableaux», rappelant la
tradition iconographique de la peinture religieuse. Les points de vue
sont ensuite peu à peu démultipliés, le film «From the Manger to the
Cross», en 1912, osant même positionner la caméra derrière le groupe de
crucifiés.
Cette démultiplication des cadrages va permettre de dilater le
temps narratif, pour souligner l'agonie de Jésus qui dura «de la
troisième à la neuvième heure». Le caractère spectaculaire et
apocalyptique de la crucifixion va aussi inciter les réalisateurs à
l'expérimentation esthétique pure et à la recherche d'effets visuels
inédits. Dans «Barabbas», en 1961, Richard Fleicher va jusqu'à capter en
temps réel une authentique éclipse.
Vision subjective
Le pouvoir d'incarnation du cinéma va se développer malgré
l'interdiction de révéler le visage de Jésus à l'écran. La censure, qui
n'est d'ailleurs pas générale, est détournée par de multiples
subterfuges, jouant sur les hors-champs, les points de vue dorsaux, les
effets de focale ou de miroir, le décalage entre le «voir» et le
«savoir». Une fois libérés, les cinéastes poursuivront dans la recherche
de réalisme. Martin Scorsese, dans «La dernière tentation du Christ»
(1988), encouragera même l'identification, en faisant basculer sa caméra
dans l'axe de la croix pour offrir au spectateur la «vision» de Jésus.
Quant à la souffrance de la Passion, elle sera exacerbée jusque dans les
images «gore» de la «Passion du Christ» (2004) de Mel Gibson. Le regard
du spectateur y est confronté à chaque parcelle de chair martyrisée.
Récupération
religieuse
Si pareille théâtralité suscite parfois la polémique auprès des
fidèles, elle n'a pas empêché l'Eglise catholique d'en prendre de la
graine. Lors des dernières Journées mondiales de la jeunesse, à Sydney,
un gigantesque chemin de Croix a ainsi été interprété à travers la
ville, avec crucifixion d'un acteur en plein air. Le pape Benoît XVI a
suivi l'événement... [PFV
1)
«Points de vue sur Jésus au XXe siècle», volume édité par Jean Kaempfer,
Philippe Kaenel, Alain Boillat et Pierre Gisel, Etudes de Lettres 280,
2008.
Le Christ «profanisé»
Quels usages a-t-on fait de Jésus au XXe siècle? Cette question incongrue fait l'objet d'une très sérieuse étude de l'Université de Lausanne, soutenue par la Fonds national suisse de la recherche scientifique. Menée de 2006 à 2009, l'enquête interdisciplinaire s'intéresse à la profanation - ou à la «profanisation» - de la figure du Christ dans la littérature, le cinéma, les arts plastiques et le discours théologique. Autant d'«incarnations» symptomatiques de l'état de la croyance et de la foi dans le monde contemporain. [PFV]
(apic/pfy/pr) - 3 agosto 2008